Posted: Fri 16 Jul - 18:18 (2010) Post subject: Gordon Morison
Article d'Edwood GORDON MORISON (1ère partie) : l’âme des Gottlieb des 70’s
Employé de la Advertising Posters Inc, Gordon Alexander Morison fut un artiste majeur pour l’image de la marque reine Gottlieb, à laquelle il était exclusivement dédié. Il eut le quasi monopole pour cette firme durant les années 70. On ne lui doit pas moins de 137 flippers pour Gottlieb, de sa première œuvre, le Galaxie sorti en janvier 1971, jusqu’à Asteroid Annie and the Aliens en décembre 1980. Immédiatement identifiable, son style entretient une proximité évidente avec les comics américains de type Marvel. Morison sera d’ailleurs l’auteur des glaces du Spiderman et du Hulk, qui marqueront le début des « licences ». Mais nous n’en sommes pas là à l’époque, et Gordon aborde dès tous les thèmes avec un égal bonheur. Les personnages masculins, à de rares exceptions près (Vulcan…), jouent un rôle plutôt mineur dans ses compositions. Les vedettes en sont presque toujours des jeunes femmes aux courbes et formes délibérément accentuées, les jambes allongées ou athlétiques, les cheveux libres et l’air mutin. Ainsi, sur le Bucaneer, le capitaine pirate est-il une fille. Il en va de même pour le génie, sur le flip du même nom, sortant de la lampe merveilleuse. Selon une rumeur persistante, confirmée par ceux qui ont connu l’homme, la plupart de ces filles étaient ses petites amies du moment (une santé de fer, ce Gordon, car elles furent nombreuses à se succéder sur ses backglasses !). L’artiste qui, au contraire de son alter ego Dave Christensen pour Bally, ne signait jamais ses glasses, a parfois glissé discrètement quelques indices personnels sur telle ou telle composition. Ainsi la petite amie de Buck Rogers porte-t-elle son prénom caché dans les entrelacs agrémentant son haut de bikini. Il s’est aussi, semble-t-il, représenté lui-même au moins une fois, sur la backglass du Pin Up : il s’agit de l’homme à moustache au cheveux blancs, en chemise rouge. Outre les donzelles, une autre caractéristique (décriée par certain : Francis, si tu nous regarde…) du style Morisonien est le sourire perpétuel des personnages : les filles sont en général candides et ingénues, les mecs n’ont pas trop l’air d’y croire… Tout cela respire une certaine bonne humeur désinvolte, dans des univers gais et colorés. Les backglasses de Morison ne se la racontent pas, c’est plutôt le clin d’œil et l’humour second degré, dans une jungle ou une Egypte de pacotille. C’est aussi ce qui rend ses univers sympathiques : quand la violence est présente, ce n’est jamais « pour de vrai » ! En cela, il est bien représentatif des seventies. Les années 80 et 90 allaient apporter un univers esthétique beaucoup plus brutal et agressif au flipper. La décennie 70 lui appartient donc, mais les meilleures choses ont une fin : Asteroid Annie and the Aliens est, en 1980, sa dernière œuvre pour Gottlieb. La glace de ce flip est le « The End » très réussi d’une collaboration qui aura donné de purs chefs d’œuvre… Parmi les raisons de son départ de la Adverting Posters Company figure une sombre histoire, liée à un « emprunt artistique » impliquant le personnage de Tarzan. Notons que, doté d’un solide sens de l’humour, Morison se décrivait lui-même comme un personnage doté d’une « éthique flexible », formule qu’il employait souvent. Mais Gordon n’a pas dit son dernier mot aux accrocs de la bille d’acier. Une crise cardiaque plus tard, en 1980, on le retrouve chez Stern. Bien qu’il ne soit crédité pour aucune de ses backglasses pour ce fabricant, il en est pourtant l’auteur. Après Stern, Morison rejoint une agence de pub, toujours en tant qu’artiste illustrateur. Il y réalise tout ce qu’il est possible de faire en terme de graphisme publicitaire. Parfois appelé à la rescousse pour reprendre ou terminer un projet abandonné en cours de route par un artiste moins assidu ou moins talentueux, il se prête sans souci ni états d’âme à l’exercice et ne signe qu’une infime partie de sa production. Comme au temps des illustrations de flippers, il reste l’homme de l’ombre… Discret à l’extrême, fuyant les appareils photo, Morison n’a de toute façon jamais signé ses backglasses, au contraire d’un Dave Christensen (Bally) qui s’est battu pour que les artistes puissent enfin le faire. A l’âge de 70 ans, Morison « bricole » toujours en freelance et passe entre…. 60 et 80 heures par semaine à élaborer de nouvelles œuvres ! Atteint d’un cancer du poumon, l’artiste quitte notre monde en juillet 2000 pour des cieux, je l’espère, aussi colorés et chatoyants que ceux dont il avait le secret. A suivre......
GORDON MORISON (2ème partie) : un style et une personnalité uniques
Un hommage fut rendu à Morison au Pinball Expo 2000.. L’un de ses proches amis, Keith Egging, game designer pour la firme de jeu japonaise Taito, répondit en cette occasion aux questions du public concernant Morison (la lecture d’un compte-rendu de cette interview m’a fourni et/ou confirmé certaines des infos relatées dans cet article et le précédent). Il expliqua que, selon lui, si les designers donnent une personnalité à un jeu, ce sont les artistes qui lui donnent une âme. Cette jolie réflexion me semble particulièrement vraie pour Morison ; sans sa «patte», que resterait-il d’un King Rock, voire (je ne vais pas me faire que des amis…) d’un Bronco ou d’un Dragon ? Ce style unique, si aisément reconnaissable, a influencé le monde du flipper dans son ensemble, et particulièrement les fabricants européens, l’Espagne en tête. Les backglasses de Recel ou Playmatic sont délibérément inspirées par l’art de Morison, aussi bien dans les thématiques que dans le graphisme et le traité. Le lady Luck, par exemple, avec son magicien très « Royal Flush », pourrait être signé Guido Morisonez ! En général, le style de ces imitateurs anonymes reste beaucoup moins dynamique et fluide que celui du Maître… Au fil des années, le style de Morison évoluera vers une recherche toujours plus grande de l’impact maximal sur la rétine du joueur potentiel : n’oublions pas qu’une backglass est la carte de visite d’un flip, on la voit de loin, au fond d’un café ou d’une salle de jeu, avant seulement de découvrir le plateau si l’on s’est senti attiré. Elle doit donc être aussi attractive et aguicheuse que possible ; « catching eye », diraient les Britons ! Pour parvenir à cet objectif, Morison utilise rapidement la technique dite du « spot color » (difficilement traduisible : disons « la couleur ciblée »), dont le principe est de n’utiliser que certaines couleurs à certains endroits. Plus tard, il s’implique dans le procédé « 4 couleurs », ce qui le conduit à s’intéresser de près aux ordinateurs et aux possibilités qu’ils ouvrent dans ce domaine. Au milieu des années 70, ses backglasses sont encore souvent pourvues d’un vrai décor (Jungle Queen, Cleopatra...)., même si celui est parfois complètement imaginaire (Joker Poker…). A la fin de la décennie, il privilégie des personnages centraux toujours plus grands, le décor n’étant plus qu’un assemblage de couleurs très étudié pour valoriser l’ensemble : l’évocation devient minimaliste, les personnages centraux et les couleurs disposées autour créent l’impact : le Roller Disco est l’aboutissement de cette démarche entamée avec le Solar ride, le Circus ou le Genie. Au cours de l’interview évoquée plus haut, Keith Egging a livré quelques traits de caractère de son ami Gordon, qui dit-il « lui manque beaucoup ». Morison habitait une maison étrange, peuplée d’ordinateurs, de toutes sortes d’œuvres d’art, d’objets venus d’Egypte antique, de dragons, de gargouilles… D’un esprit très gamin, Morison adorait le dessin animé Scooby Doo et n’hésitait pas à s’amuser avec des jouets ou figurines qu’il achetait pour son propre usage. Si les filles représentées sur les backglasses étaient en général ses petites amies, l’homme ne fut marié que deux fois, la seconde trois semaines avant sa mort. Discret à l’extrême, Morison n’en avait pas moins une haute idée de son talent artistique, clamant que les arts deco donnaient une âme aux flippers. : on ne peut que lui donner raison. Son œuvre vit à jamais sur quelques-uns de nos jeux préférés... Merci l’artiste ! Je dédie plus spécialement cet article à Stéphane Hémard, dont je sais qu’il est lui aussi fan de Morison. Heu, Stéphane, j’habite Paris et je crois que toi aussi, alors en fait si un jour je pouvais découvrir de visu l’exceptionnelle collection qui m’a tant fait baver dans les articles que t’a consacré Francis… Hé ben je serais très heureux, alors n’hésite pas à me contacter par MP ! (et si tu veux, je peux même venir avec Nena qu’est une bonne copine à moi, nan, j’déconne !)
Last edited by nenesselapointe on Mon 26 Jul - 11:17 (2010); edited 1 time in total
Posted: Mon 26 Jul - 09:37 (2010) Post subject: Gordon Morison
nenesse: Sympa, j'attends la suite...Je suis friand de ce genre de présentation _________________ Les cons, ça ose tout. C'est même à ça qu'on les reconnait.
Posted: Mon 26 Jul - 09:38 (2010) Post subject: Gordon Morison
tonnerremeca: Article véritablement passionnant! Merci, j'ai hâte d'avoir les suivants! _________________ Les cons, ça ose tout. C'est même à ça qu'on les reconnait.
Posted: Mon 26 Jul - 09:38 (2010) Post subject: Gordon Morison
mitsu 24: il est vrai que la glace du "Genie" et simplement l'une des plus belle qui existe pour moi . _________________ Les cons, ça ose tout. C'est même à ça qu'on les reconnait.
Posted: Mon 26 Jul - 09:40 (2010) Post subject: Gordon Morison
EdWood: Pour moi aussi,c'est la première que j'ai achetée, il y a maintenant plus de 15 ans ! Et dans le même genre, je trouve que la Solar ride a une gueule folle ... _________________ Les cons, ça ose tout. C'est même à ça qu'on les reconnait.
Posted: Mon 26 Jul - 09:42 (2010) Post subject: Gordon Morison
La liste des flippers sur lesquels Gordon Morison a travaillé: http://www.ipdb.org/search.pl?ppl=gordon+morison&sortby=date&searchtype=advanced 3 nouvelles rubriques ont été créées sous Les grands noms du flipper pour ce genre d'article: - les fabricants, - les dessinateurs et graphistes, - les ingénieurs et techniciens. _________________ Les cons, ça ose tout. C'est même à ça qu'on les reconnait.
Posted: Sat 31 Jul - 13:13 (2010) Post subject: Gordon Morison
très intéressant, qui se sent d'aller à la pêche aux renseignement sur le net ou ailleurs pour nous rédiger des bios de tous les grands noms du flipper?